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• XIIIe; cruie XIIe; frq. °kruka1 ♦ Récipient, souvent de grès ou de terre, à col étroit, à large panse, à anse. ⇒ cruchon, pichet; et aussi buire. Cruche vernissée. Cruche à eau. « La Cruche cassée », tableau de Greuze.♢ PROV. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse : à s'exposer à un danger, on finit par le subir; à trop exagérer, on finit par lasser.♢ Par méton. Contenu d'une cruche. « Une cruche de vin de Falerne se vendait cent deniers romains » (Montesquieu).2 ♦ (1633) Fam. Personne niaise, bête et ignorante. ⇒ gourde, imbécile. Quelle cruche, ce type ! — Adj. Avoir l'air cruche.cruchen. f.d1./d Vase à large panse, à col étroit et à anses. Une cruche en grès, en terre.— Son contenu.|| Prov. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse: tout finit par s'user; à force de s'exposer à un péril, on finit par y succomber.d2./d Fig., Fam. Personne sotte. Quelle cruche!⇒CRUCHE, subst. fém.A.— Vase à large panse, à anse et à bec, destiné à contenir des liquides. Cruche pleine, vernissée; une cruche d'eau, de vin; cruche de grès; remplir la cruche; boire à la cruche. Cruche hydropique avec ses flancs énormes (GAUTIER, Albertus, 1833, p. 124). Il a serré le col de la cruche dans sa grosse main noire, et, sans fatigue, il la tient penchée sur son verre (GIONO, Colline, 1929, p. 20) :• Des enfants soufflaient dans des trompettes : on choquait des verres pour des santés interminables. Parfois un paysan descendait l'escalier de sa cave, une cruche de faïence bleue à la main, allant tirer au tonneau le vin des récoltes fameuses.MOSELLY, Terres lorraines, 1907, p. 11.— Région. (Suisse). Récipient étanche de grès, de métal ou de caoutchouc que l'on remplit d'eau bouillante pour chauffer un lit. Synon. bouillotte1. Faire une cruche. Préparer une bouillotte. Tu seras mieux dans ton lit avec une bonne cruche (A. BELPERROUD, Les Toutes bonnes du syndic, Lausanne, 1973, p. 37).Rem. La docum. atteste l'emploi du syntagme cruche cassée, p. allus. au tableau de Greuze « La Cruche cassée ». Au tour de Marcelino. Il arrivait en combinaison sans ceinture, regardant ses pieds avec un air de « cruche cassée » (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 499).♦ Proverbe fig. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. À force de s'exposer au danger ou de vouloir trop faire, on risque d'être victime ou de se lasser. Non! J'ai plus le courage que j'avais. Je suis fini. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse (A. FRANCE, Crainquebille, 1904, p. 48).— P. méton. Contenu d'une cruche. Vider sa cruche. Une cruche fraîche qu'on avale (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec J. Rivière], 1908, p. 337).B.— Au fig. et fam. Personne qui manque de finesse et qui agit sottement. Quelle cruche! plaider comme une cruche. Tu es une cruche; même pas une cruche, un siau! (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 151). Ma cruche de cousine (PROUST, Guermantes, 1921, p. 486).— Emploi adj. Avoir l'air cruche. Jamais on n'avait vu des enfants si cruches (ZOLA, Germinal, 1885, p. 308). Vous avez agi d'une façon « cruche » (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 156).Rem. La docum. mentionne a) Cruchée, subst. fém. ,,Ce que peut contenir une cruche. Une cruchée de vin. Il est peu usité`` (Ac. 1835). b) Cruchette, subst. fém. Petite cruche. Synon. cruchon (cf. Huysmans ds Lar. Lang. fr.). c) Crucherie, subst. fém., au fig. et fam. Tomber dans la crucherie sentimentale (cf. BLOY, Femme pauvre, 1897, p. 55).Prononc. et Orth. :[
]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1178 (Renart, éd. Martin, branche XIV, 68). B. 1633 (GASSENDI, Lettres familières à F. Luillier, 89 ds QUEM.). A, de l'a. b. frq. krûkka (ags. crocca, isl. krukka, THURNEYSEN, p. 97) var. de krucka (m. h. all.
, a. sax.
, m. néerl.
, ags.
, KLUGE20, s.v. Krug1), d'où l'a. fr. cruie (ca 1230, Péan Gatineau ds T.-L.). B, emploi adj. du précédent. Fréq. abs. littér. :448. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 473, b) 936; XXe s. : a) 961, b) 421. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, p. 228. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 154 (et s.v. cruchée). — HEBEISEN (W.). Die Bezeichnung für Geschirr, Eimer, Krug im Französischen... Berne, 1921, passim. — ROG. 1965, p. 84. — THURNEYSEN 1884, p. 97.
cruche [kʀyʃ] n. f.ÉTYM. XIIIe; cruie, XIIe; du francique kruka.❖1 Récipient, souvent de grès ou de terre, à col étroit, à large panse, à deux anses. ⇒ Cruchette, cruchon, vase. || Cruche vernissée de brun, de vert. || Cruche en forme de femme assise. ⇒ Jacqueline. || Cruche de métal ciselé. ⇒ Buire; (régional) bue (→ Chœur, cit. 12). || Porter, remplir sa cruche à la fontaine. || Vider entre amis une cruche de vin. — La Cruche cassée, tableau de Greuze.1 Il l'avale (le vin) d'un trait et, chacun l'imitant,La cruche au large ventre est vide en un instant.Boileau, le Lutrin, I.2 Jusqu'à ce couvert de campagne, ces verres propres, cette fraîche assiettée de beurre demi-sel, cette cruche à cidre, qui aidaient à l'intimité de cette table éclairée par une lampe un peu usée (…)Huysmans, Là-bas, V, p. 57.3 Maintenant, va puiser l'eau fraîche dans la cour,Et veille que surtout la cruche, à ton retour,Garde longtemps, glacée et lentement fondue,Une vapeur légère à ses flancs suspendue.Albert Samain, Aux flancs du vase, « Le repas préparé ».4 Il but à la cruche, en laissant couler de haut un mince filet d'eau qu'il avalait par d'habiles contractions du gosier.P. Mac Orlan, la Bandera, VII, p. 85.4.1 Pas d'autre mot qui sonne comme cruche. Grâce à cet U qui s'ouvre en son milieu, cruche est plus creux que creux et l'est à sa façon. C'est un creux entouré d'une terre fragile : rugueuse et fêlable à merci (…) La cruche est faite de la matière la plus commune; souvent de terre cuite. Elle n'a pas les formes emphatiques, l'emphase des amphores. C'est un simple vase, un peu compliqué par une anse; une panse renflée; un col large — et souvent le bec un peu camus des canards. Un objet de basse-cour. Un objet domestique.Francis Ponge, Pièces, p. 94-95.➪ tableau Noms de récipients.2 Par métonymie. Le contenu d'une cruche. ⇒ Cruchée. || Boire une cruche d'eau. || Verser une cruche d'huile.5 Une cruche de vin de Falerne se vendait cent deniers romains.Montesquieu, l'Esprit des lois, VII, 2.3 ☑ Fam. Par compar. Être bête, ignorant comme une cruche. ⇒ Âne (cf. Bête comme un balai, comme chou, comme ses pieds…). → ci-dessous, B.6 Cornes cela ? Vous me prenez pour cruche;Ce sont oreilles que Dieu fit.La Fontaine, Fables, V, 4.4 ☑ Prov. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse : à s'exposer sans cesse à un danger, on finit par le subir.7 (…) il faut que je décharge mon cœur, et qu'en valet fidèle je vous dise ce que je dois. Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l'eau, qu'enfin elle se brise (…)Molière, Dom Juan, V, 2.8 — Ah ! voilà notre imbécile avec ses vieux proverbes ! Eh bien, pédant, que dit la sagesse des nations ? Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin… — Elle s'emplit.Beaumarchais, le Mariage de Figaro, I, 11.9 Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle casse. Elle périt par usage prolongé. Non par usure : par accident. C'est-à-dire, si l'on préfère, par usure de ses chances de survie. C'est un ustensile qui périt par une sorte particulière d'usure : l'usure de ses chances de survie. Ainsi la cruche, qui a un caractère un peu simple et plutôt gai, périt par usage prolongé.Francis Ponge, Pièces, p. 95.B (1633). Fig. (de A., 3.). Personne niaise, ignorante et bête. ⇒ Imbécile. || Ce type est une cruche. || Quelle cruche ! ⇒ Cruchon, 2. — En appellatif. || Pauvre cruche.♦ Adj. || Elle est un peu cruche. || « Des enfants si cruches » (Zola, in T. L. F.). || Avoir l'air cruche.❖DÉR. Cruchée, crucherie, cruchette, cruchon.
Encyclopédie Universelle. 2012.